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Lettre ouverte à François Hollande

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Mon cher François,

Je me rends parfaitement compte qu’il peut paraître cavalier, voire irrespectueux si l’on se réfère aux traditions protocolaires, de m’adresser ainsi à votre éminente personne. N’y voyez pourtant pas de familiarité excessive, mais l’expression d’un homme normal qui s’adresse à un autre homme normal entré dans son quotidien, fût-il citoyen-président de la République. Qui plus est, j’éprouve à votre égard unesincère sympathie. Comment pourrait-il en aller autrement, eu égard à votre bonhommie naturelle et à votre penchant pour l’humour qui tranchent avec le passé élyséen récent ? Sur le plan du comportement, vous incarnez en effet de manière évidente une rupture avec votre agité prédécesseur, ce président au parler vulgaire et aux allures de chef de clan qu’un ego hypertrophié – à la limite de la pathologie – a conduit à maints excès ayant précipité sa chute.

Le problème est que cette rupture n’a porté, depuis votre élection, que sur les aspects comportementaux. Pour ce qui est de la politique mise en œuvre, force est de reconnaître que notre pays reste sur la même ligne que précédemment, à savoir une ligne libérale et soumise aux diktats d’une Union Européenne mercantile, si largement au service des banquiers et des industriels quand elle l’est si peu au service des peuples. Certes, il existe des différences entre la gouvernance de l’UMP et celle du PS, mais elles ne se manifestent qu’à la marge, ou sur des sujets sociétaux d’un intérêt très secondaire en période de crise économique. Résultat : les classes populaires et moyennes n’entrevoient pas la moindre amélioration de leur condition. Pire : elles se sentent abandonnées par les élites politiques et livrées aux seuls appétits d’une oligarchie vorace et sans scrupule. Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner de voir le score du Front National enfler de manière spectaculaire comme cela a été démontré dimanche dans la circonscription de Beauvais.

« La panne de croissance est là, qui nous impose des décisions difficiles en matière budgétaire », me rétorquerez-vous. À ce détail près que, dans le sillage de l’exécutif précédent, vos choix économiques, pour complaire aux marchés et aux agences de notation, vous portent principalement vers la régression sociale pour tenter de trouver les milliards qui font défaut, et cela alors que, année après année, la paupérisation croissante augmente de manière dramatique le nombre de nos compatriotes en situation de pauvreté effective. Dans le même temps, vous continuez de sanctuariser d’énormes gisements d’économies représentés, ici par des dizaines de niches fiscales scandaleuses, là par la pérennité de très nombreux comités Théodule aussi coûteux qu’inutiles et où pantouflent douillettement les bons amis, ailleurs par le maintien d’avantages exorbitants à des pléthores d’élus plus soucieux de leur bien-être personnel que de leur engagement au service de la nation et de leurs compatriotes. Tout cela sans compter les gabegies nées du millefeuille administratif auquel rien ne semble indiquer que vous ayez l’intention de vous attaquer, par peur évidente de la confrontation avec les puissants barons locaux.

Vous aviez annoncé une grande réforme fiscaledestinée à remettre de la justice et de l’équité dans le fonctionnement de notre société. Or, j’ai beau scruter avec le maximum d’acuité, pas plus que les observateurs spécialisés je ne vois rien venir cette grande réforme à laquelle ont pourtant travaillé, en amont de votre campagne, des experts reconnus emmenés par l’économiste Thomas Piketty. Tout au plus aura-t-on droit à des mesures cosmétiques destinées à enfumer les naïfs que nous sommes, nous autres les citoyens lambda dont la voix n’est entendue qu’en période électorale et balayée le reste du temps. Que sont les belles envolées contre la finance devenues ? Les avez-vous oubliées dans une armoire poussiéreuse du Conseil général de Tulle au soir de votre victoire ? Ou, pire encore, les avez-vous laissées partir au fil des eaux de la Corrèze en cette soirée de mai ?

Décevant dans vos choix politiques, vous l’avez également été dans la constitution de votre gouvernement. Quelle mouche vous a piqué, après avoir souligné la nécessité, là aussi, de rompre avec le passé, de mettre sur pied, avec le concours en l’occurrence peu clairvoyant de Jean-Marc Ayrault, une assemblée si pléthorique de ministres, ministres délégués et secrétaires d’État ? 34 membres : deux de plus que le duo Sarkozy-Fillon dont la boulimie en la matière était, à juste titre, vilipendée par l’échiquier politique, les politologues et les éditorialistes. Avec, pour prix à payer de cette ahurissante dilution des responsabilités et d’un évident manque d’expérience des nouveaux titulaires de maroquin, d’une part, des difficultés de répartition des rôles, d’autre part, des déclarations contradictoires de titulaires de portefeuille parfois plus soucieux d’exister dans l’opinion que d’apporter leur pierre à l’édifice dans la plus totale loyauté relativement à leur tutelle. On est là bien loin de la « dream team » de Lionel Jospin qui, rappelons-le en passant, a compté au maximum 28 ministres et secrétaires d’État. Un remaniement significatif du gouvernement doit être envisagé dès que possible, et cela d’autant plus que le traitement de la crise exige une équipe gouvernementale resserrée et solidaire. Il est hélas ! à craindre que, prisonnier des marchandages entre les différents courants du PS et de ses alliés, rien de tel ne se passe. Surprenez-nous, mon Cher François, en tordant le cou à cette pénible prédiction.

À deux jours de votre intervention devant le micro et les caméras de David Pujadas, permettez-moi d’aborder un autre sujet qui me tient à cœur : l’éventuelle réforme constitutionnelle que vous aviez annoncée et qui, semaine après semaine, prend de plus en plus les allures d’un flop monumental. Je vous le dis tout net : envisager de supprimer le cumul des mandats pour les seuls ministres relève d’une trahison d’engagement. Quoi que puissent en dire les François Rebsamen et autres sénateurs attachés à leurs privilèges, une loi sur le non-cumul des mandats appliqué à tous les élus est devenue une urgente nécessité. Non seulement pour aligner notre pays sur ce qui existe de facto chez la plupart de nos voisins, et ainsi faire taire les justifiés sarcasmes dont nous sommes l’objet, mais surtout parce qu’une telle mesure serait perçue dans la population comme la première étape d’une indispensable réforme de nos institutions et de la modernisation de la vie publique. De la même manière, abandonner la réforme du statut pénal du chef de l’État serait une faute d’autant plus grande que l’actualité nous montre à quel point il est devenu nécessaire de clarifier la situation du président en regard d’éventuels soupçons judiciaires.

Ces mesures, de même que le droit de vote des étrangers et l’introduction d’une dose significative de proportionnelle aux législatives, vous avez la possibilité de les faire adopter sans passer par la case du Congrès qui requiert une hypothétique majorité des 3/5e : en recourant à la procédure référendaire comme vous y autorise la Constitution. Réitérant une affirmation que vous avez déjà faite, peut-être objecterez-vous, à l’instar de ces journalistes ignorants ou manipulateurs, que « le peuple répond rarement à la question posé », ce qui est faux. L’étude des 9 référendums organisés sous la Ve république montre en effet que le peuple a, au contraire, toujours répondu à la question posée. Et s’il a voté « non » en 2005 au projet de Traité constitutionnel européen, malgré une hallucinante campagne des élites autoproclamées, c’était bel et bien par défiance vis-à-vis d’une Union européenne par trop libérale. On a d’ailleurs pu, depuis, mesurer les dérives engendrées par ce Traité, imposé dans un deuxième temps par les élus de la nation au peuple français contre sa volonté pourtant réputée souveraine dans la Constitution française.

Vous n’auriez rien à perdre à organiser un tel référendum à plusieurs questions, et cela même si le peuple français rejette telle ou telle question. Au moins les choses seraient claires et les polémiques éteintes. Tout cela va d’ailleurs dans le sens de l’Histoire car le peuple français, comme la plupart de ses homologues européens, n’entend plus se faire confisquer sa souveraineté par une représentation complaisante, au service d’une élite consanguine et avant tout soucieuse de préserver ses intérêts. Là encore, je souhaiterais que vous puissiez nous surprendre en faisant taire vos préventions. Mais là encore, je crains que vous n’écoutiez la voix des membres du Siècle plutôt que celle des millions d’électeurs qui vous ont élu…

Je vous prie d’agréer, mon Cher François, des salutations qui, pour être teintées de colère, n’en sont pas moins sincères car elles portent l’espoir que vous saurez, et le plus tôt sera le mieux, enfin sortir de votre costume étriqué pour entendre la voix du peuple français et entrer dans l’Histoire comme le président qui aura osé tenir tête au dogme libéral.

Fergus


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